Anne de Kiev- Fondation de l’Abbaye St Vincent

ANNE de Kiev

(née vers 1024, morte en 1076)
Épouse Henri Ier le 19 mai 1051

Après la mort de son épouse Mathilde de Frise, Henri Ier chercha à contracter un nouveau mariage, mais l’Allemagne, dont la famille était selon lui son seul espoir, lui était interdite, car l’alliance était assimilée par l’Église à la parenté, et toutes les cousines de la reine morte, jusqu’au septième degré, étaient interdites au malheureux veuf. Sur le conseil de son beau-frère Baudouin, il envoya dès 1045 des observateurs de confiance dans tous les royaumes d’Orient, qu’il chargea de lui signaler toutes les princesses à marier dont ils pourraient entendre parler dans ces lointaines contrées.

Pendant quatre ans, Henri attendit qu’on lui signalât une fiancée possible, car toutes les princesses dont on lui parlait étaient peu ou prou ses parentes. Son humeur s’en trouva modifiée : il devint coléreux et méchant, même avec ses concubines, et lorsqu’elles manifestaient un désir de tendresse, « il faisait l’agacé, nous dit un chroniqueur, et les battait durement ». Elles finirent par s’enfuir du palais, laissant le roi déçu, amer et sans consolation. En avril 1049, l’un de ses informateurs lui révéla que le grand-duc Iaroslav Vladimirovitch, qui régnait à Kiev, avait une fille prénommée Anne, qui n’avait aucun lien de parenté avec Henri et qui était, en outre, d’une beauté ravissante. Sa mère était Ingrid de Suède et de Norvège. La future épouse du roi ne manquait pas de patronymes, puisqu’on la connaît sous les noms d’Anne de Kiev, Anne de Russie, Anne de Ruthénie, Anne d’Ukraine, Anne d’Esclavonie et quelques autres.

En apprenant qu’on parlait d’elle, de sa grâce, de son esprit, de ses cheveux blonds et de sa bouche sensuelle jusqu’à Constantinople, le roi eut l’Å“il pétillant. Il chargea Roger, évêque de Châlons-sur-Marne, de porter des bijoux à Iaroslav de la part du roi de France et de lui demander la main de sa fille. Favorable à une politique d’ouverture, le prince de Kiev, l’un des douze fils de Vladimir le Grand qui avait converti le pays au christianisme, accepta la proposition, et Anne arriva à Reims au printemps 1051, apportant une dot considérable en belles pièces d’or frappées à Byzance. Si Henri l’attendait avec une grande émotion et un peu d’inquiétude, ses craintes s’évanouirent lorsqu’il vit la fille du grand-duc. Il en devint immédiatement fort épris.

La légende veut qu’au moment où elle descendit de son chariot, le roi, incapable de se maîtriser plus longtemps, se soit précipité sur elle pour l’embrasser avec une belle ferveur. La princesse n’ayant pas protesté contre cette ardeur un peu hâtive, la foule, dit-on, put contempler les fiancés, qui ne s’étaient jamais vus encore, serrés l’un contre l’autre comme des amants. On assure également que, lorsqu’ils eurent fini de s’embrasser, Anne se dégagea et dit à Henri, en rougissant un peu : « Je suppose que c’est vous, n’est-ce pas, qui êtes le roi ?… »

Le mariage eut lieu à Reims le 19 mai 1051. Henri avait alors trente-neuf ans et Anne vingt-sept. La reine, sacrée le même jour par l’archevêque Guy de Châtillon, fut appliquée à la prière, libérale envers les pauvres, sensible au malheur, n’occupant le trône que pour y paraître comme compagne du roi, et pour accorder des grâces. Elle ne fut pas épargnée par la dislocation de sa famille d’origine : en 1052 son frère Vladimir mourut, sa mère Ingrid disparaissant dix-huit mois plus tard ; en février 1054, son père Iaroslav s’éteignit, deux autres frères décédant peu de temps après.

La première alliance franco-russe ne devait pas être longue, car Henri Ier mourut brusquement à Vitry-aux-Loges le 4 août 1060. Aussitôt, Anne se retira au château de Senlis avec son fils Philippe, qui avait été sacré roi du vivant de son père. La reine mère ne s’était pas vu confier la tutelle de ce fils ; il n’y avait pas à cet égard de coutume établie. Baudouin V, oncle du roi mineur, fut désigné tuteur-régent. Afin d’éviter les troubles, la famille royale se montra : en 1060, séjour à Dreux, Paris, Senlis, Étampes. En 1061, à Compiègne, Reims, Senlis, Paris.

Anne vécut dès lors libre de tout souci politique dans son domaine valoisien, se retirant d’abord à l’abbaye de Saint-Vincent de Senlis. Un chroniqueur nous dit qu’elle aimait beaucoup Senlis, « tant par la bonté de l’air qu’on y respirait que pour les agréables divertissements de la chasse à laquelle elle prenait un singulier plaisir ». Elle y ajouta rapidement d’autres agréments. En effet, malgré son veuvage récent, la reine Anne se mit à organiser des réceptions mondaines qui furent très courues. De nombreux seigneurs des environs prirent l’habitude de venir lui faire leur cour et plus d’un parmi eux, rapporte le vicomte de Caix de Saint-Aymour, « apportait ses hommages non seulement à la reine, mais aussi à la femme ».

C’est ainsi qu’au bout de trois ans elle épousa Raoul le Grand, comte de Crépy-en-Valois, son aîné de quelques années, qui possédait de nombreux titres : compte de Crépy, de Valois, du Vexin, d’Amiens, de Bar-sur-Aube, de Vitry, de Péronne et de Montdidier. Il était l’un des plus puissants seigneurs de France, se plaisant à dire qu’il ne craignait ni les armes du roi, ni les censures de l’Église. En juin 1063, il répudia Haquenez, sa tendre et juvénile épouse, et enleva la reine, complice, lors d’une des promenades en forêt dont elle avait l’habitude, pour l’épouser.

Cet enlèvement et le mariage semi-clandestin causèrent un grand scandale dans tout le royaume. En suivant un homme marié, la reine se rendait coupable d’adultère, trois ans après la mort du roi Henri. Haquenez apprenant la raison pour laquelle elle avait été répudiée, se rendit à Rome pour se plaindre au pape Alexandre II, qui l’accueillit avec bonté et chargea Gervais, archevêque de Reims, d’effectuer une enquête, avant d’enjoindre Raoul de se séparer de la reine et de reprendre sa femme légitime. Devant le refus du comte, le pape l’excommunia et déclara nul son mariage avec Anne.

Bravant les foudres de Rome, les deux amoureux voyagèrent ensemble dans le royaume, se cachant si peu, montrant une telle absence de remords, qu’on finit par admettre leur union. Quelques années plus tard, le roi Philippe Ier trouva sage de se réconcilier avec eux, admettant même Raoul à la cour. Anne y reparut à son tour avec le titre de reine mère quand le comte mourut, en 1071 ou 1074. On eut pour elle le plus grand respect, et elle régna sur le palais, bien qu’elle ne s’occupât point des affaires de l’État.

On a dit qu’elle était ensuite retournée en son pays natal, mais sa tombe, trouvée en 1682 dans l’abbaye de Villiers, près de La Ferté-Alais, donnerait à penser qu’elle n’a pas quitté la France, à moins que le monument funèbre qui portait pour inscription : Anne, femme de Henri, ne fût qu’un hommage de la reconnaissance des religieux, et non le lieu de la sépulture de cette princesse. Plus sûrement, ayant obtenu une terre sise à Verneuil, près de Melun, elle y serait morte vers 1076 et assurément avant 1080, sans avoir connu son petit-fils, le futur Louis VI, né en 1081.

Anne de Kiev eut quatre enfants avec Henri Ier : Philippe, né en 1052, qui deviendra roi de France sous le nom de Philippe Ier ; Robert, né en 1054 et mort vers 1063 ; Emma, née en 1055 et morte vers 1109 ; Hugues, né en 1057 et mort en 1102, qui fut comte de Vermandois sous le nom de Hugues Ier.

Extrait de http://www.france-pittoresque.com/reines-france/anne-kiev.htm

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